Mariage Grec
La tradition avant tout
Un mariage Grec léger comme l'Egée ! Assister à un mariage Grec traditionnel dans une île perdue au fin fond de la mer Egée, c’est une gourmandise autant qu’une plongée dans le passé. Mieux qu’une plongée, une immersion totale. On en ressort pas tout à fait certaine de la date, la tête bourdonnante, le regard incertain et le ventre tendu comme un zeppelin.
A la différence de bien des pays Européens, la Grèce a su garder intactes toutes les cérémonies traditionnelles ; ici, à plus forte raison encore dans une île éloignée, les préparatifs, les gestes, la musique, sont exactement les mêmes que par le passé. C’est d’ailleurs en bateau que les futurs époux et leurs témoins se rendent à la chapelle, accompagnés d’un petit orchestre qui joue la sérénade sur le pont arrière tandis que le vin coule à flot à l’avant du caïque.
Tout commence par la préparation. La future mariée est habillée par des femmes de son entourage, puis elle va se cacher afin de ne pas être vue par son fiancé ; le non-respect de cette règle est considéré comme une source de malchance. Pendant ce temps, on tresse la Stéphana, la couronne de fleurs qui sera placée tour à tour sur la tête du roi (le marié), puis de la reine (la mariée), pour revenir sur la tête du roi. Seule petite entorse à la tradition, on ne casse plus en mille petits morceaux les gâteaux de blé sur les époux à l’issue de la cérémonie, symbole de fertilité et de bonheur. Dorénavant, comme partout, ils sont aspergés de riz.
Une fois le rituel accompli, pendant lequel tout le monde rit (les amis), pleure (le père, qui, lorsqu’il prendra la parole, mettra en garde le fiancé : « si tu ne t’occupes pas bien de ma fille, je te poursuivrai et tu le regretteras »), gémit doucement (la mère) ou fredonne des tragoudia (les anciens du village), les invités explosent en applaudissements et passent devant le couple afin de leur souhaiter longue vie et bonheur ; puis ils s’éparpillent au quatre coins pour faire place à la danse nuptiale, la danse d’Isaïe, où les époux, hanche contre hanche, bras et mains emmêlés, font trois fois le tour de la salle avant de revenir devant le maire.
Comme le dit magnifiquement Jeffrey Eugenides dans son livre Middlesex, « nous autres Grecs nous marions en cercle, pour bien nous pénétrer des faits matrimoniaux essentiels : pour être heureux, il faut trouver la variété dans la répétition ; pour aller de l’avant, il faut revenir au point de départ ». A son tour, le père de la mariée va entamer sa danse, et laisser partir sa fille. Ce type de cérémonie n’a rien d’exceptionnel, sauf peut-être dans les grandes villes plus « européanisées ». La jeunesse Grecque est très fière de son passé, et très soucieuse de maintenir les rituels. La danse d’Isaïe est le coup d’envoie des festivités.
Plaisir du corps et du ventre
Une fois mariés et bien mariés, le banquet s’annonce ; tout le monde se place au petit bonheur la chance autour de grandes tables, pas question d’indiquer à qui que ce soit où il doit se mettre ; c’est une gentille pagaille et, de toute manière, chacun va changer de place au moins 4 fois au cours du repas, selon la vitesse à laquelle il mange et qui il a envie d’aller voir. En Grèce, les plats ne se succèdent pas. Ils sont tous posés en vrac, tsatziki, tarama, melitsanosalata, tomates et poivrons farcis, agneau (tant pis s’il refroidit, ce n’est pas un problème) et poisson, le vin coule à flot dans les carafes orange, les invités remplissent au fur et à mesure les corbeilles de pain, et des monceaux de petits gâteaux au miel de toutes les couleurs sont amassés un peu partout.
Le rituel du gâteau unique et exceptionnel n’a pas vraiment sa place ici ; il faudrait attendre, le couper, distribuer les parts ; il faut faire simple. Et chacun doit trouver ce dont il a envie au moment où il le désire ; donc, pas question de se formaliser avec un service à mille couverts et des changements d’assiette interminables. Car l’élément essentiel d’un mariage Grec, c’est la danse, le Rembetiko. Et tout est dans l’art d’alterner la nourriture et le mouvement, le plaisir du ventre et le plaisir du corps.
Opa ! Et que la fête commence!
Opa ! c’est l’annonce de la danse. Contrairement à la France, où les soirées de mariage se déroulent aux rythmes rock et pop (voire musette mais ça devient assez rare) et où les anciens sont assis et regardent les plus jeunes se déhancher, le cœur musical de la Grèce bat encore à la mesure du Rembetiko, la danse de l’homme ivre.
Et il n’y a aucune fracture générationnelle ; au contraire, ce sont les anciens qui montrent l’exemple, les professeurs, les porteurs de la tradition. Ca commence lentement, au son de la clarinette et du bouzouki, cette mandoline ventrue dont les doubles cordes mettent les hommes à la limite de l’équilibre. On pose un verre de vin à terre, et lentement, le danseur commence à tourner autour, se penche, se redresse, se penche encore, écarte les bras, saute et s’arrête un instant, comme en suspension, une jambe en appui sur le sol et l’autre au dessus du verre, le pied prêt à l’écraser ; mais non.
Le voilà qui repart, la tête renversée, attendant de passer le relai tournoyant à celui qui attend. Ainsi, les anciens dansent et dansent encore, pour honorer les rois de la fête, pour honorer la fête elle-même, et pour honorer la vie. Cette danse, ils l’ont transmise à leurs enfants qui, tour à tour, vont eux aussi mimer l’homme ivre. Bien sûr, on va entendre un peu de pop et un peu de rock ; mais toujours, le rembetiko revient, c’est le rythme de la tradition qui fait bouger les corps. C’est éblouissant, et décalant.
De vieilles femmes vous prennent par la main pour vous entraîner dans le tourbillon, vous n’êtes plus un individu, vous faites partie d’un tout qui pourrait ne jamais s’arrêter.
Kali nichta (bonne nuit)
Il est temps de rentrer. Depuis longtemps, la nuit est tombée sur l’Egée et les mariés se sont éclipsés sous une pluie de fleurs et de grain de blé. La musique s’est arrêtée, les grillons s’époumonent, les yaya et les papous boivent un dernier verre de résiné à la santé de la famille et des amis. La fête va continuer ailleurs, entre jeunes, dans une boîte de nuit. Il est 3:00 du matin. En Grèce, à l’occasion d’un mariage, la nuit dure plus longtemps qu’ailleurs.
Pascale Godin
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